En charge de la refonte de la chaine Youtube d’Echosciences Occitanie, Célia nous partage quelques bons conseils pour nous emparer au mieux de Youtube et en faire un média à part entière.

YouTube est une de ces “vieilles” plateformes internet qu’on ne présente plus. Avec 46 millions de visiteurs uniques par mois (soit 46 millions de personnes différentes) rien qu’en France, la plateforme fait partie des 3 sites les plus visités dans le monde. Devant Facebook qui ferme le podium. Oui oui : devant Facebook ! Mais la plateforme de vidéos est un outil complexe. Et les limites de ce qui est populairement connu du site peuvent très vite s’atteindre lorsque l’on s’essaye à ce média si particulier.

YouTube et ses utilisateurs

Ne serait-ce que pour appréhender la nature de ses utilisateurs. Si YouTube est second de ce classement aujourd’hui, c’est grâce au n°1, sa maison-mère Google, qui a naturellement poussé sa plateforme en avant. Un coup de pouce qui a pour conséquence un phénomène très particulier : contrairement aux autres médias sociaux, une partie de ces millions d’utilisateurs sont certes des comptes inscrits et engagés sur la plateforme, mais la grande majorité ne sont que des visiteurs. Beaucoup consultent des clips musicaux, vont voir la retransmission en live d’un événement, vont chercher comment déboucher rapidement leur évier, etc. Une utilisation de la plateforme qui existait dès les débuts de YouTube en 2005, et qui perdure encore largement aujourd’hui. Cependant, on voit émerger depuis quelques années des communautés d’utilisateurs de plus en plus engagés, qui se retrouvent à travers des “codes” propres, s’abonnent au contenu pour le suivre activement, discutent dans les commentaires, forment des “fan-clubs”, créent leur chaine, etc.

Si être soi-même consommateur régulier de la plateforme est un avantage non négligeable pour construire sa chaîne, ça n’est pas forcément une bouée suffisamment fiable à laquelle se raccrocher pour transposer ce que l’on voit dans une stratégie. Alors comment faire ? Par où commencer ? Comment s’occuper d’une chaîne YouTube ? Si vous êtes déjà en train de respirer bruyamment dans un sac en papier, détendez-vous, tout va bien se passer. Nous allons y aller par étapes, en commençant par passer en revue quelques points essentiels à garder en tête pour construire sa stratégie YouTube. On discutera juste après sur ce que nous-mêmes essayons de mettre en place avec la chaîne YouTube d’Echosciences Occitanie, ce qui pourrait vous inspirer quelques idées.

10 points à garder en tête en construisant une stratégie YouTube

1. Soyez bien clairs dans vos objectifs et vos intentions

Pour commencer, déterminez ce que vous voulez faire de votre chaîne, ce que vous souhaitez construire dessus. Est-ce que vous souhaitez diversifier les services que vous proposez déjà à vos clients/votre cible en leur apportant du contenu sur une plateforme qu’ils connaissent ? Ou est-ce que vous souhaitez attirer un public présent et engagé sur YouTube (généralement des moins de 35 ans) pour y développer une communauté de fans ?

Si la réponse à cette question va avoir un impact sur le tournant que prendra votre chaîne, dans un cas comme dans l’autre, essayez de vous attacher à satisfaire une seule cible. Si votre chaîne se compose de contenu pour les fans d’astro sur votre vidéo 1, puis les mères célibataires en vidéo 2 et les chiens de salon en vidéo 3 (oui, c’est un vrai marché), vous risquez de laisser peu de place à la création d’une communauté autour de votre chaîne. Peu de gens feront la démarche de s’abonner si un contenu sur dix les intéresse, cela ferait autant de personnes en moins susceptibles de voir vos nouvelles sorties de vidéos dans leur fil d’abonnement.

2. Construisez une stratégie dédiée à la plateforme

Les stratégies cross-média sont assez peu recommandées sur les réseaux sociaux. C’est le fait de réutiliser tel quel le même contenu sur plusieurs médias différents (on appelle ça justement “cross-poster”). Essayez au contraire de réserver à votre chaîne un contenu exclusif. Le tout, c’est d’éviter de transformer votre chaîne en fourre-tout à remplir de la moindre création audio-visuelle.

3. Emparez-vous de certains codes

Ce point est particulièrement important pour les personnes qui choisiraient de construire une communauté d’utilisateurs engagés sur YouTube autour de leur chaîne. Suivant votre cible et le type de contenu que vous souhaitez produire, ils s’attendront à retrouver certains éléments. Il n’est pas possible de tous les citer ici, mais en voici quelques-uns :

  • Le dynamisme : ça ressort de la grande majorité du contenu YouTube, et les utilisateurs s’attendent à être stimulés soit par le montage, la musique, la personnalité de la ou des personnes à l’écran, etc.
  • Les “jump cuts”, ces sauts d’image que l’on aperçoit sur un même plan : souvent utilisés à la télé par exemple pour couper les interviewés trop bavards, c’est un élément de montage sur-représenté sur YouTube. On dit d’ailleurs que sur la plateforme “on n’entend pas les gens respirer”, tant les inspirations sont coupées.
  • Pour les cibles très connectées et proches de la “culture internet” (d’aucuns appelleraient “geeks”), les références propres à cette culture sont monnaie courante, notamment les memes.
  • Pour le contenu “face-cam”, c’est-à-dire lorsque l’on parle directement à la caméra, beaucoup d’effets de montage lui sont inhérents : des zooms extrêmement lents avant-arrière (peu perceptibles) ou très rapides, des changements de “valeurs de plan” (i.e, passer d’un très gros plan à un plan moyen, par exemple) et de plan tout court, le motion-tracking lorsque la caméra suit en plan très rapproché un élément (visage, mains, objet divers en mouvement)…
  • etc.

Quelques exemples :

Concentrez-vous sur les effets de zoom, très lents, ou encore les changements de valeurs de plan. Ensuite vous ne verrez plus que ça… 😉

Beaucoup de ces codes sont éphémères, et d’autres les remplaceront. Aussi, n’hésitez pas à observer de temps à autres les tendances relatives au contenu que vous souhaitez mettre en place.

4. Restez créatifs

Mais la créativité est aussi la bienvenue sur YouTube. Vous avez peut-être d’ailleurs des contre-exemples à apporter à ce qui a été cité plus haut ? Une chaîne qui ne recherche pas le dynamique à tout prix et qui marche bien pour autant (voir cet exemple) ? Il existe beaucoup de chaînes qui prennent le contre-pied de ces codes, les rendant reconnaissables entre toutes. En effet, les consommateurs sur YouTube sont face à un océan de contenu, dont presque la moitié des vidéos le composant sont similaires les unes aux autres tant la plateforme est codifiée. Lorsque vous produirez la prochaine vidéo de votre chaîne, demandez-vous “pourquoi un utilisateur regarderait ma vidéo plutôt qu’une autre ?”. Ça pourrait vous guider vers un heureux chemin.

5. Pensez technique

Dans le cas où vous souhaiteriez produire du contenu par vous-même pour votre chaîne, le montage est une étape fastidieuse et pourtant quasi sine qua non. S’il n’est pas forcément nécessaire de produire des vidéos bourrées d’effets spéciaux, comme ici par exemple, quelques compétences, mêmes basiques, sont requises. En effet, les attentes des utilisateurs ont augmenté à mesure que la professionnalisation des vidéastes amateurs s’est renforcée, rehaussant de fait la qualité générale des productions sur YouTube et limitant la bienveillance des spectateurs à cet égard.

Pour la captation d’images, il n’est pas non plus obligatoire d’investir des milliers d’euros pour créer une vidéo de qualité : un smartphone de dernière génération, un micro-cravate à 20€, des lumières ou un environnement lumineux, éventuellement un trépied – bien qu’il soit très facile de s’en passer, et vous avez déjà des conditions de tournage décentes. (Presque) tout se jouera ensuite au montage.

6. Soignez l’accroche

Pour faire en sorte que votre vidéo soit visionnée par les curieux qui passeront, il est préférable d’être attentif à son accroche. Pour attiser la curiosité, rien de mieux que les vignettes (aussi appelées miniatures ou “thumbnail”, l’appellation anglaise). C’est un élément stratégique également soumis à des codes, dont il vaut mieux ne pas laisser la création au seul soin de YouTube. Très changeants suivant les tendances, on peut observer en ce moment des éléments récurrents :

  • des visages qui affichent des émotions,
  • pour l’humour, des mises en scène dans un montage photo volontairement pas réaliste,
  • du texte qui apporte une information supplémentaire au titre,
  • un aperçu qui donne le ton sur ce qui va être traité,
  • etc.

Et c’est la même chose avec les titres, car les mots aussi, sur YouTube, sont soumis à des tendances. À l’heure actuelle par exemple, la grande mode est d’écrire son titre en majuscules, et rajouter un détail entre parenthèses en minuscules. Ça peut être un trait d’humour, une révélation sur ce qu’il va se passer dans la vidéo, une précision, etc. On essayera souvent aussi de laisser la place à un maximum d’interrogations possibles de la part de l’utilisateur YouTube, afin de piquer sa curiosité au plus vif.

En définitive, rechercher un bon titre peut prendre du temps, et la création d’une vignette peut-être encore plus. Mais ça fait partie du travail classique de création de contenu pour YouTube.

7. N’oubliez pas la communauté

Sur YouTube, l’espace commentaire laisse la part belle aux interactions. Ça peut être une chance et à la fois un piège, car vous êtes en théorie responsable de ce qui est dit sous votre vidéo. Aussi, aux yeux de la loi, il est important de modérer, mais vous pouvez le faire de manière automatique en bannissant certains mots comme les insultes. Bien que contraignant, il est préférable de ne pas fermer entièrement cet espace commentaire lorsque vous ciblez les utilisateurs engagés, habitués à s’exprimer dessus et/ou à les lire. Par ailleurs, vous pouvez également vous engager plus en avant avec la communauté que vous souhaitez fédérer autour de votre chaîne en interagissant vous aussi : pourquoi pas répondre aux commentaires, laisser des likes (en cliquant sur le pouce en l’air), ou des “j’adore”. Les “j’adore” sont une fonctionnalité plutôt récente sur YouTube qui s’incarne par une petite icône en coeur qui s’affiche sur les commentaires laissés sous vos vidéos. Si vous l’activez, vous signifiez à toute la communauté que vous avez liké ce commentaire précis, contrairement au “like” qui ne sera vu que par l’auteur du commentaire. Autre fait intéressant avec cet outil : il a tendance à faire remonter le commentaire vers le haut, ce qui peut être pratique pour mettre en avant certaines idées et ainsi modérer positivement. Vous pouvez également réaliser des formats de vidéos très connus sur la plateforme qui vous permettront de vous rapprocher de vos abonnés : les FAQ (“Foire Aux Questions” ou “Frequently Asked Questions”) ou sa variante “Ask” (“demander”, en anglais), par exemple. Pour ce type de contenu, on annonce généralement une FAQ dans une vidéo, et on revient piocher dans les commentaires les questions qui ont été laissées pour préparer ses réponses. Ou bien, on lance un hashtag sur les réseaux sociaux (“#FAQ[NomDeLaChaine]” ou “#Ask[NomDeLaChaine]”, par exemple), ce qui est plus facile pour faire le tri en plus d’offrir un peu plus de visibilité ailleurs. Pour cette raison aussi, n’hésitez pas à parler régulièrement de votre chaîne sur vos réseaux sociaux : montrez les coulisses, les équipes, discutez avec vos followers, etc.

Enfin, vous pouvez aussi profiter de l’instantanéité (à quelques secondes près) que propose le format live de YouTube pour renforcer toujours plus la proximité avec votre communauté. Cependant, cela requiert une bonne dose d’animation et quelques compétences techniques supplémentaires pour le mener à bien. Vous pouvez d’ailleurs tout aussi bien exploiter vos FAQ ou Ask sous ce format en répondant en direct aux questions, par exemple.

8. Ne vous sentez pas obligés de créer une chaîne pour être sur YouTube

La création de chaîne et de son contenu est forcément ce qu’il nous vient en tête dès le départ lorsque l’on pense à investir l’espace YouTube. Mais vous avez encore d’autres options pour faire valoir votre marque et passer vos messages.

Acheter un espace publicitaire

Vous pouvez entrer sur YouTube par les petites portes payantes. Et YouTube en a des tas :

  • les annonces “TrueView inStream”, ce qui correspond aux publicités qui passent avant, pendant ou après les vidéos des vidéastes ;
  • les annonces “Bumper”, sur le même principe que les précédentes, mais avec un micro-format de 6 secondes et qui ne peuvent pas être passées par le consommateur ;
  • les annonces “Discovery TrueView”, où votre publicité est affichée au milieu du fil de recommandation dudit consommateur ;

et d’autres encore, dont certaines que nous n’avons pas encore en France mais qui ne sauront tarder.

Concernant le prix de ces annonces, il n’est pas vraiment possible de donner un chiffre fixe. Mais nous pouvons vous éclairer sur son fonctionnement qui vous en donnera les raisons. En fait, la publicité sur YouTube marche par du “CPC” : du “Coût Par Clic”. Cela signifie tout simplement que vous ne payez que si un utilisateur-cible clique sur votre publicité (ou s’il regarde tant de secondes de votre publicité, selon le format). Mais ce clic n’a pas de prix fixe, il dépend de nombreux facteurs : le format (les annonces “TrueView InStream” ne coûtent pas la même chose que les annonces “Bumper”), la cible que vous déterminez (disons, les 18-25 ans en région Occitanie qui regardent des vidéos éducatives), et le prix que vous mettez sur la table. Un système d’enchères made in Google s’enclenche alors, et vous entrez en concurrence face à tous les autres annonceurs qui ont demandé les mêmes choses que vous. Disons que nous mettons 5€ par jour pour votre campagne publicitaire (comme le recommande YouTube lorsqu’on débute) : en fonction d’à quel point votre cible+format sont demandés et combien vos concurrents ont été capables de mettre, le prix du clic va être généré. Admettons que nous sommes mal tombés et qu’il s’agit d’un combo très demandé, faisant revenir le clic à 1€ : notre publicité apparaîtra jusqu’à ce que 5 clics aient été effectués ou que 5 pubs aient été visionnées X secondes. YouTube arrête ensuite de diffuser votre publicité, de sorte que cela ne dépasse pas le budget donné.  C’est donc une solution efficace pour être sûrs d’être vus exactement par la cible que vous cherchez à atteindre, si vous en avez le budget. Vous pouvez utiliser ce moyen pour renvoyer vers votre site internet par exemple, ou pour faire de la publicité à propos de votre chaîne si vous en tenez une.

Sponsoring, collaboration, partenariat

Sur YouTube, vous entendrez souvent parler de “sponsoring”, “collaboration” et “partenariat”, parfois un peu indifféremment les uns des autres. Dans l’ensemble, on considérera que le sponsoring, c’est quand on finance un vidéaste, une partie ou la totalité d’une de ses vidéos, et qu’en contrepartie il dédie une partie de la vidéo pour parler de votre marque ou d’un sujet que vous aurez déterminé. La collaboration, c’est en général lorsqu’une vidéo est co-construite entre un vidéaste et la marque : ça peut être par l’apport de compétences spécifiques (savoirs, savoir-faire…), et/ou par l’apport de financement, et/ou par un apport en nature (un accès à un lieu normalement privé ou hors heures d’ouverture, un produit, etc.), ce qui se négocie souvent (mais pas systématiquement) par un droit de relecture. La limite entre collaboration et partenariat est plus ténue dans le langage YouTube, mais on parlera plus volontiers de partenariat lorsqu’il s’agit d’un apport en nature. C’est peut-être contre-intuitif, et pourtant 77% des abonnés (tous réseaux confondus) perçoivent les partenariats (sous toutes ses formes) comme positifs. Cet effet est d’autant plus renforcé lorsque c’est le premier partenariat pour l’influenceur, car c’est perçu comme un marqueur de reconnaissance par le milieu : les followers sont “fiers” de leur influenceur. Autre point intéressant : 87% des partenariats sont conclus pour une somme inférieure à 500€. Bien sûr, il sera difficile de démarcher Squeezie, plus gros YouTubeur francophone, avec une telle somme. Il faut préciser d’ailleurs que beaucoup des grandes têtes d’affiche (dont Squeezie précisément) sont sous l’aile d’agences spécialisées, rendant les négociations plus complexes encore. Mais en voyant moins grand, on peut déjà faire de très belles choses.


 

Production originale

Quelle est la différence entre Netflix et le CNRS ? Aucune, ils produisent tous deux des séries originales qui servent à diffuser leur image de marque ! C’est un modèle récent qui se développe et qui fonctionne relativement bien sur la plateforme. L’idée est de financer en totalité une production de contenu de qualité professionnelle, qui sera liée sans équivoque à votre nom de marque. Dans le cas de “Zeste de Sciences”, la chaîne produite pas le CNRS, c’est écrit noir sur blanc dans le nom complet de la chaîne : “Zeste de Science / Les séries originales du CNRS”. On peut citer aussi dans la même veine la super-chaîne “Le Vortex”, où le logo d’Arte (son producteur) est la toute première image que l’on voit à chaque début d’épisode… Un peu à la manière du “toudoum” de Netflix. Évidemment, l’inconvénient majeur de ce procédé reste la dimension pécuniaire, tout en étant confronté aux mêmes obstacles de réussite que la création de contenu “classique”.

Vous avez donc un large choix qui s’offre à vous pour assurer votre présence sur YouTube. Et encore : il y a peut-être encore de nouveaux modèles à construire sur la plateforme !

9. Ne comptez pas trop gagner de l’argent

Car c’est en fait plutôt compliqué de générer de vraies recettes sur la plateforme, contrairement aux idées reçues. D’abord, parce que YouTube n’autorise plus n’importe qui à profiter de la monétisation de contenu : vous devez au minimum avoir 1000 abonnés et cumuler 4000 heures de visionnage par an pour pouvoir l’activer.

*Pause* Vous avez tiqué sur le concept de “monétisation de contenu” ? On vous explique. YouTube est un service gratuit (ou plutôt “freemium” désormais) qui, comme la plupart du temps quand c’est gratuit, cache un panneau publicitaire géant. C’est entre autres grâce à la publicité qu’il s’assure des sources de revenus confortables, et grâce aux millions de vidéos lues simultanément partout dans le monde, sans qui son espace publicitaire n’aurait pas lieu d’être. Alors pour favoriser tout cet écosystème, YouTube reverse une partie de ce qu’il perçoit vers les créateurs de chaînes qui intègrent de la pub. Vous avez peut-être déjà entendu “1€ toutes les 100 vues” ou “1$ toutes les 1000 vues” ? Peu importe le montant en réalité, ces chiffres sont des légendes urbaines assez éloignées de la réalité. Car le montant final de la part que vous versera YouTube dépend de pléthores de paramètres sur lesquels personne n’a franchement la main. Il n’est pas vraiment possible, au moment de l’écriture de cet article, de pouvoir anticiper les recettes générées par une vidéo : suivant les annonceurs, suivant combien de temps les utilisateurs vont regarder votre vidéo (on appelle ça le “watch time”), suivant les périodes… Tout cela peut mener à des situations à priori contre-intuitives, comme des vidéos qui n’ont pas beaucoup de vues au compteur ayant rapporté plus au détenteur de la chaîne que des vidéos avec des centaines et des centaines de milliers de vues. Dans tous les cas, et même en devenant célèbre, les recettes générées par la monétisation des vidéos sont bien souvent largement en-dessous de l’énergie dépensée pour les faire.

Enfin, dernier point : on peut rapidement être démonétisé si la modération appliquée par YouTube considère que la vidéo n’est pas adaptée pour tous les annonceurs. Et ça arrive bien plus vite qu’on peut le penser. Soit parce qu’on va aborder des thématiques jugées sensibles (par exemple les conflits armés, actuels ou passés). Parce qu’on va aborder des questions liées à la sexualité (on a parfois droit à une jolie discrimination positive envers la sexualité des hommes qui est acceptée, mais pas celle des femmes par exemple). Et puis enfin, des fois, on ne sait juste pas pourquoi. Par dessus ça, YouTube ne fait pas la différence (ou pas encore) entre une vidéo à portée éducative et tout autre type de contenu. Ainsi, une vidéo sur la Seconde Guerre Mondiale avec un point de vue rigoureusement scientifique et sans parti pris sera traitée de la même manière par YouTube qu’une vidéo révisionniste, par exemple.

Alors, la question se pose de ces salaires de YouTubeurs mirobolants dont on entend parler à la télé : ils sont en fait surtout issus de produits dérivés, de partenariats, sponsoring et autres collaborations avec des entreprises tierces. Pas mal de YouTubeurs (notamment ceux spécialisés sur la vulgarisation scientifique) vivent également sur les dons en live ou sur les plateformes de financement participatif comme Utip ou Tipeee. Mais à notre échelle, on ne peut pas raisonnablement s’attendre à avoir des fans qui financent l’intégralité de notre travail.


 

10. Ne soyez pas démesurément optimistes (ou l’inverse) sur les chiffres

Enfin, si vous faites le choix de la production de contenu, ne soyez pas immédiatement déçus si votre chaîne n’atteint pas des sommets dès le début. Les débuts se font toujours à tâtons : voyez les premiers formats de vidéo comme des tests. Observez ce à quoi est sensible votre audience (via les analytics du YouTube Studio notamment), ce qui fonctionne ou pas, écoutez les critiques, sans faire d’un cas une généralité.

Aussi, ne perdez pas de vue le fait qu’une communauté se construit dans la longueur. C’est un travail plutôt ingrat, mais l’impact peut être très fort, au-delà des compteurs de chiffres. C’est d’ailleurs un phénomène proche de ce dont parlait DirtyBiology dans cette récente interview du Figaro : les documentaires sur le terrain qu’il produit sur YouTube sont en général les vidéos les moins visionnées de sa chaîne. Pourtant, lorsqu’il rencontre ses abonnés, ce sont précisément de ces vidéos très marquantes qu’ils parleront avec enthousiasme.

 

La chaîne YouTube d’Echosciences Occitanie : les erreurs qu’on a commises et ce qu’on va améliorer

Une chaîne YouTube est donc quelque chose qui se construit petit à petit. Dans le cas d’Echosciences Occitanie, nous sommes précisément dans cette phase d’expérimentations avec notre format des “Tubes à Essai”. C’est une idée qui a été reprise des “BookTubes à Essai”, initiés par la Casemate pour Echosciences Grenoble, et qui s’inspire des codes de YouTube. Nous avons jusqu’ici publié sur la chaîne des vidéos structurellement toujours similaires entre elles, mais nous travaillons en ce moment même à le faire évoluer vers une nouvelle formule, plus proche des codes des vidéos format “face-cam” que nous exploitons. Voici donc quelques uns des changements que nous allons tenter de mettre en application.


 

Rallonger le temps de vidéo

Il fut un temps où il ne valait mieux pas dépasser 5 minutes de vidéo pour ne pas décourager les utilisateurs. Mais aujourd’hui, une vidéo standard sur YouTube dépasse très régulièrement les 10 minutes. La raison en est simple : le vidéaste est mieux rémunéré à partir de ce temps-là, car ça laisse plus de place à YouTube pour y diffuser des annonces. L’adaptation des vidéastes à cette nouvelle règle a mené le public à s’adapter également, au point d’en faire la norme de la consommation actuelle. Un utilisateur régulier ne sera pas étonné de voir des vidéos de 13, 18, 22 minutes… L’objectif que l’on poursuit pour les Tubes à Essais serait donc de passer d’un format de 2-3 minutes à 8-10 minutes. Ça laissera bien plus de place pour traiter les sujets et pour rencontrer nos invités.

Dynamiser la vidéo, se rapprocher des codes

Rallonger le temps de vidéo, c’est (presque) simple : il suffit de parler plus. Dans le cas des Tubes à Essais, nous allons laisser plus de place à l’invité : on va apprendre à le connaître pour avoir le temps de s’y attacher. À la suite de ça, on parle de ce qu’il vient présenter, découpé en plusieurs temps forts comme avec le concept original. Tout l’enjeu en revanche va être de dynamiser au montage tout ce résultat brut. Il ne s’agit pas de produire quelque chose de totalement épileptique à la manière d’un film d’action hollywoodien. Seulement de se rapprocher des codes du montage face-cam, afin d’avoir un rendu visuellement dynamique et régulièrement dans la stimulation. Pour vous donner une idée concrète, les 30 premières secondes de cette vidéo résument bien le montage classique du face-cam, à base de zooms lents avant-arrière, cuts et jump-cuts :


 

Augmenter les interactions avec l’environnement et la communauté

Pour une plateforme comme Echosciences Occitanie, qui se présente comme réseau, il nous faut trouver un moyen de faire ressortir cet aspect jusque sur notre chaîne. C’est pour ça que nous testons en ce moment un nouveau temps fort à ajouter à ceux existants : on confronte l’invité soit aux avis de membres de notre communauté (via les réseaux sociaux et directement dans l’espace commentaire de notre chaîne YouTube), soit via des avis que l’on recueille sur internet (blog, critiques, avis Amazon, etc.). On ne cherche pas à mettre l’invité au pied du mur, mais à ouvrir un débat, voire à proposer d’autres pistes de lecture. C’est pour cette raison d’ailleurs que les avis qui vont également dans le sens de l’invité sont discutés. Ce sera au montage ensuite qu’il faudra sélectionner les réactions les plus intéressantes.

Modifier la manière dont on tourne

Il y a plusieurs choses que l’on cherche à rectifier concernant les moments de tournage. D’abord, le cadrage : actuellement, nous avons beaucoup d’espace inutile autour de nos invités, nous gagnerions à nous rapprocher plus des sujets, à faire quelque chose de plus intime. On teste également l’emploi de plusieurs angles de caméra à la fois, mais sans encore en être convaincus de la pertinence : certes, avoir des changements de caméra dynamise la vidéo, mais cela pourrait augmenter aussi la distance ressentie entre nous et la communauté. En cours de test, donc.

On tient à jour également une petite liste de choses à penser pour les jours de tournage :

  • si on garde le principe d’une introduction scriptée comme à l’heure actuelle, il vaudrait mieux la tourner à la fin de la séance, lorsque l’invité est le plus à l’aise avec la caméra ;
  • si on garde le principe de séquence scriptée, être attentifs au fait que les invités finissent leur discours avec une intonation descendante pour éviter de se retrouver avec une phrase qui semble en suspens ;
  • démarrer les caméras avant même que l’invité n’arrive dans la pièce, pour capter les moindres réactions qu’il ne s’autoriserait pas devant la caméra et ainsi avoir des séquences “authentiques ;
  • etc.

Modifier l’expérience des invités

Il y a beaucoup de “si” concernant le script dans le point précédent pour une raison particulière : nous testons une version qui en serait dépourvue, à l’opposé de la version actuelle.

D’abord parce que le format des “Tubes à Essai” est très dépendant de la bonne volonté des invités, et c’est une variable très délicate à gérer. À l’heure actuelle, les volontaires doivent nous contacter et proposer leur idée, puis on leur envoie le séquençage type de la vidéo pour qu’ils le pré-remplissent/prévoient ce qu’ils comptent dire. Et enfin, lorsqu’ils viennent pour le Jour-J, on tourne plusieurs fois la même séquence qu’ils s’entraînent à dire jusqu’à avoir la bonne prise. L’objectif serait de réduire toute cette chaîne à “Venez avec une idée, on s’occupe du reste”. Moins l’expérience sera contraignante pour les volontaires, moins ça représentera d’obstacle pour rejoindre la “TeamTubeur”. Ainsi, le travail qu’ils réalisaient en amont est maintenant transformé en guide d’entretien que nous préparerons de notre côté. Ils n’ont plus qu’à s’asseoir et se laisser porter par la discussion.

Seconde motivation à arrêter les scripts : parce que faire jouer un script naturellement n’est pas un exercice facile pour tout le monde. Pour éviter cette contrainte qui sera fatalement ressentie par les viewers YouTube, le mieux est encore de la supprimer. Maintenant, il reste à vérifier que ça ne soit pas trop contraignant au moment du montage : est-il faisable en un temps raisonnable de reconstruire un discours cohérent en isolant les parties vraiment intéressantes pour la vidéo ? C’est une affaire à suivre.

Retravailler l’identité générale d’Echosciences Occitanie sur YouTube

L’identité d’Echosciences Occitanie sur YouTube est actuellement un peu brouillonne. D’abord, la bannière sera prochainement modifiée : elle n’a pas grand chose à voir avec ce que propose la chaîne actuellement et surtout elle met en scène des enfants, ce qui pourrait laisser croire à tort que le contenu leur ai destiné. De plus, même si cet onglet est assez peu visité, l’“à propos” présente le site internet là où il devrait plutôt présenter directement la chaîne en s’adressant à la communauté qu’elle essaie de fédérer.

Ensuite, à l’intérieur des vidéos elles-mêmes, deux choses devraient changer. Premièrement, le générique de début : composé de deux génériques l’un après l’autre (d’abord celui avec le circuit de verrerie, puis celui avec les mots qui défilent), il s’avère être trop long. Les analytics YouTube ne nous ont pas épargnés : si une chute des visionnages au bout de quelques secondes de lecture est chose commune pour tout le monde sur la plateforme, la transition vers et entre les génériques est une perte d’audience suffisamment significative pour pousser à sa modification.

Les styles de titres feront aussi bientôt peau neuve. Bien que très léchés et animés de manière impeccable parce que proposés par notre logiciel de montage Filmora, ils ne sont pas cohérents avec l’identité graphique générale d’Echosciences. Et le point le plus évident est le choix des couleurs : l’animation est verte, alors que nous essayons d’exporter les couleurs rouge et jaune de la plateforme partout ailleurs sur nos réseaux sociaux.


 

Faire des vignettes et repenser les titres

À l’avenir, nous réaliserons systématiquement des vignettes pour nos vidéos. Dans l’idéal même (et c’est quelque chose que vous pouvez aussi envisager de faire sur votre chaîne), nous referons les vignettes des anciennes parutions si nous en trouvons le temps. Ça assurera une belle retraite à ces vidéos qui méritent tout de même d’être visionnées par les curieux qui passent.

Concernant les titres des futures vidéos, ils seront également plus réfléchis. À l’heure actuelle, ils rendent compte sobrement de l’oeuvre qui va être traitée. Mais pourquoi regarderait-on l’avis de quelqu’un qu’on ne connaît pas sur une oeuvre qu’on ne connaît pas et qu’on n’a pas l’intention de se procurer non plus ? Nous devons au contraire profiter de l’espace du titre pour trouver une accroche qui attisera la curiosité, qui donnera envie de cliquer. Par exemple : prenons la situation où nous avons tourné avec Clément Balcon, notre invité qui vient nous présenter un livre sur la classification phylogénétique. Le sujet n’est pas très engageant de base, mais Clément est passionné. On discute beaucoup et on finit par plaisanter en parlant de notre ADN. Bref, une excellente vidéo des Tubes à Essai, une nouvelle fois. Maintenant, dites-vous que vous êtes tranquillement chez vous, vous souhaitez vous divertir en regardant une vidéo sur YouTube, sur quel titre cliquez-vous entre : “…Tube à Essai #20 : La classification phylogénétique du vivant – Tome 2 – 4e édition – Hervé Le Guyader et Guillaume Lecointre”, et “On réécrit votre ADN en 8 minutes avec Clément Balcon” ? Vous avez probablement dit la numéro 2, parce qu’elle laisse la porte ouverte à tout un tas d’interrogations et donne le ton (en l’occurrence, léger) de la vidéo qui va suivre.

Vous avez donc l’idée générale. Ça ne veut pas dire que nous ne ferons jamais mention des oeuvres dont on parle dans le titre : s’il s’agit d’une référence populaire, il serait au contraire plus judicieux de l’intégrer. De plus, l’oeuvre ne doit pas être totalement invisible : elle sera toujours au moins en vignette et bien référencée en description et dans les tags, car elle pourrait attirer des connaisseurs.

Changer la conclusion

Les fins de nos Tubes à Essai ont trois soucis : elles ne renvoient pas vers nos réseaux sociaux (et ceux des invités s’ils le souhaitent), elles tranchent avec les fins “classiques” des YouTubeurs en laissant passer une occasion de plus d’augmenter la visibilité de la chaîne, et enfin, elles terminent avec une catch-phrase (“Restez curieux !”) un peu facile et déjà utilisée ailleurs (notamment par un des plus gros vulgarisateurs scientifiques de la plateforme : e-penser).

Pour le dernier point, il n’est pas nécessaire de chercher absolument à le remplacer, on peut se passer d’une phrase qui serait répétée systématiquement. Pour les deux premiers points en revanche, ils peuvent être facilement résolus par l’ajout d’un écran de fin. Il s’agit d’une fonctionnalité YouTube très utile qui permet d’ajouter en fin de vidéo des vignettes cliquables permettant de rediriger vers une ou des playlists, une ou des vidéos, ou de s’abonner directement. Il suffit simplement d’anticiper au montage un écran avec des emplacements pour les futures vignettes, et d’y ajouter les rappels des réseaux sociaux.

Voilà donc l’état de nos expérimentations sur YouTube. Nous avons encore beaucoup de tests à réaliser avant que vous ne puissiez apprécier par vous-même la nouvelle formule, mais pour vous faire patienter, une prochaine vidéo encore sur le principe de l’ancien format des Tubes à Essai est dans les cartons et devrait sortir prochainement.

Pour conclure cet article déjà très long, prenez garde si vous le lisez longtemps après sa date de publication. Le temps sur internet passe très vite, les tendances évoluent sans arrêt, et ce qui est un “grand classique” aujourd’hui sera peut-être totalement dépassé demain. Vous du futur, si des mois nous séparent, notre amour sera impossible : méfiez-vous de nos conseils.

Malgré tout, vous pourrez trouver ci-dessous une mini-médiathèque de choses à piocher pour commencer à se construire une culture YouTube et voir comment les choses fonctionnent en ce moment, si vous manquez de ressources.

La mini-médiathèque à culture YouTube

Les vidéos YouTube :

Les articles de presse :

Les podcasts :

  • 301 vues” de Cyprien (YouTubeur français emblématique de la plateforme), qui parle de YouTube et toute la culture qui gravite autour avec à chaque épisode des invités différents. C’est à la base un live Twitch, que vous pouvez donc suivre en direct, mais du coup c’est moins pratique qu’un podcast. Plus qu’intéressant pour observer les codes YouTube en action, tout en apprenant beaucoup sur le milieu. Je ne les ai pas tous écoutés, mais je vous recommande d’écouter l’épisode 2, “Laink & Terracid, l’E3 #2”, où ils évoquent entre autres leurs rapports et usages des Analytics de YouTube Studio. Si vous lisez cet article dès sa sortie, sachez que les derniers podcasts n’ont pas été mis en ligne depuis plusieurs semaines. D’après les dernières informations, ils devraient arriver rapidement.
  • Youtalks” des vidéastes “science” DirtyBiology et Scilabus. ATTENTION ! Ces podcasts sont très vieux ! Ils ont plus d’un an, et en année internet, ça fait beaucoup ! Ils restent dans l’ensemble malgré tout intéressants dans les sujets qui y sont abordés et cette fois-ci très centrés sur la partie scientifique de YouTube. Prenez les informations avec des pincettes !

Les guides en ligne :

YouTube a créé il y a quelques années la plateforme “YouTube Creator Academy”. Elle propose plein de “mini-formations” en ligne gratuites sur des sujets très spécifiques, qui peuvent parfois être très intéressantes à étudier. Quelques exemples :