Créer un jeu de société avec des élèves pour inventer le collège de demain. C’est la bonne idée de Sarah, qui porte actuellement le projet Smart Pupils. Une manière ludique d’impliquer les élèves et révéler leurs talents.

Smart pupils (financé par le programme Erasmus +) est un projet d’émancipation du système éducatif. Personnels de l’éducation et médiateurs culturels y travaillent main dans la main pour construire un cadre où élèves et professeurs contribuent ensemble à l’amélioration de leur condition de vie et d’exercice. Une utopie ? Certainement pas !

Je redescends néanmoins de mon petit nuage pour vous relater cette histoire, qui n’en est pas moins pleine de rebondissements et de complications !

Smart pupils c’est donc une action européenne prévue pour mener des projets créatifs et transversaux avec les enseignants et collégiens sur le thème : « Améliorer le collège ». Mais améliorer le collège de quelle(s) façon(s) ? Une manifestation dans le bureau du directeur ? Convertir les élèves en une armée de petits bâtisseurs pour repeindre les murs ? Signer des pétitions à foison ? L’idée ici n’est pas de révéler le militantisme enfoui en chacun de nous, mais plutôt de trouver une façon de croiser les points de vue et surtout impliquer/relier les élèves qui ne se sont jamais intéressés à la question d’améliorer le collège.

Car avant toute ambition ne faut-il pas d’abord une réflexion ? Une réflexion qui suscitera des idées ? De la naîtra peut-être LA grosse idée, celle qui fera consensus, celle qui a du sens, celle qui est utile et utilisable. C’est dans cette optique que nous est venue l’idée de créer un jeu de société avec les élèves et les enseignants.

Objectif : concevoir un jeu de société de A à Z sur le thème « améliorer le collège ». Comme d’habitude, en un temps record, avec seulement deux séances de conception théorique et une séance de fabrication matérielle à bord du Propulseur.

Bien consciente de mes limites, je fais appel à mon réseau pour dénicher la perle qui m’accompagnera dans cette mission : un spécialiste du jeu. J’ai nommé Mikael Antioco, le GAMIFICATEUR comme on l’appelle depuis. Celui-ci résidant à Montpellier, nous menons les préparatifs à distance. J’avoue être un poil anxieuse après nos premiers échanges téléphoniques lorsque j’entends sa voix calme… presque impassible… et, il ne rit même pas à mes blagues ! Un joueur pas très jouasse ma foi.

On entame rapidement l’organisation de la première séance. Je frémis à l’idée de connaître LA stratégie de création de jeu ! Et bien, à vrai dire, il n’y a pas vraiment de recette miracle… Les concepts de nouveau jeu émergent avec la passion et l’expérience du jeu.


On décide toutefois d’imposer aux élèves le but du jeu : améliorer son collège en y intégrant des innovations.

À deux, on calibre une méthodologie de création de jeux que l’on appliquera avec les élèves basée sur le principe de la mind map. Cela permet de baliser la conception du jeu atour des axes principaux que sont :

  • Le cadre : quelle tranche d’âge ? Combien de joueurs ? La durée moyenne d’une partie ?
  • Le type de jeu : il peut être stratégique, compétitif, collaboratif, de hasard …
  • Les cartes à jouer : il faudra des cartes innovations, mais peut-être y aura-t-il d’autres caractéristiques ?
  • Le plateau de jeu : faut-il des éléments en relief, des jetons, des pions ? Quel univers représente le plateau ? Faut-il interagir avec ?
  • Les actions : acheter, contrer, défier, deviner, interroger, attaquer… Les possibilités d’actions sont infinies.


Pour les inspirer, on leur fait découvrir tout un tas de jeux différents en faisant appel à leurs propres expériences en tant que joueur. Après avoir détaillé les grands principes, c’est aux élèves d’imaginer leur propre jeu. Alors que je me sentais noyée par ce flot d’idées en vrac, je découvre Mikael en chef d’orchestre hyper efficace. Il jongle entre propositions loufoques et contestations, rebondit sur les idées bancales, note tout au tableau avant de s’assurer que l’idée fait consensus, et tisse en moins de 30 minutes les grands principes du jeu.


Je suis épatée et décèle alors tout le mystère si sérieux de mon acolyte Gamificateur pour qui le jeu n’est vraiment pas une blague.

Premier acte : pourquoi et comment améliorer le collège ? Place à l’innovation !

Comme il est d’importance dans tout projet de médiation, je souhaite d’abord poser le contexte. Pour quoi améliorer le collège ? Comment imaginer quelque chose de différent alors qu’on ne connaît rien d’autre ? Je sais combien l’ouverture au reste peut être source d’inventivité et de questionnement. L’être humain est de nature à tirer des comparaisons, je cherche donc des idées originales qui ont déjà été réalisées pour améliorer certains collèges.

Je découvre le concept des tables à roulettes. Les élèves sont debout, accoudés, et circulent librement en cours pour former des groupes de travail. Les jambes sont actives et la concentration canalisée au lieu de se forcer à rester stoïque.

Lors de mes recherches, je découvre une étude qui constate qu’une belle salle de classe améliore les résultats de 16%. Par une présentation ouverte et quelques exemples concluants, je tâche de donner matière à réflexion. Définition d’une innovation : c’est une nouveauté qui influence concrètement la vie des gens de manière positive.


Par là, je souhaite montrer l’intérêt que peut avoir une innovation dans le milieu scolaire, dans l’optique de relativiser sur le rapport contestataire que manifeste parfois les élèves. À la question « pourquoi venez-vous au collège ? » : « Parce que nos parents nous y obligent ! »

Dans ces cas là, j’enfile mon armure de super optimiste pour rebondir et interroger davantage. Comment faire pour que vous ayez envie d’aller au collège et particulièrement en cours ?

Des hamacs dans la cour, un arbre à basket pour toutes les tailles et un maximum de joueurs. Des tableaux interactifs, des tables à roulettes.

Vient alors leur tour de proposer des innovations :

Puis l’on décide que chaque innovation ramène un certain nombre d’élèves. Celui qui a le plus d’élèves dans son collège remporte la partie. Un aperçu des prototypes de cartes innovations illustrées par Marion Jouffroy, une dessinatrice contactée spécialement l’occasion. À partir des réflexions communes, je reformule et donne un nom parfois bilingue because smart pupils aux innovations.

 

Reste maintenant à déterminer combien obtenir une carte. Sans surprise, le groupe a choisi d’acheter les cartes. Pour éviter l’attrait classique basé sur l’achat et la compétition, je les incite à trouver d’autres moyens d’obtenir des innovations et impose une monnaie de jeu fictive.

Certains proposent des cartes questions et des cartes défis. Pendant la deuxième séance, nous travaillerons sur les contenus de ces cartes. Ils iront faire un tour sur le site des Incollables pour trouver des idées de questions assez générales en format QCM pour que tous puissent répondre sans être trop avantagé. Combien de formes de nez existe-t-il ? Quel était le vrai prénom de Charlemagne ?

Les quelques moments d’autonomie auront eu raison du cadrage… Lorsque je rentre au bureau pour trier les innombrables post-it et retenir les idées exploitables je tombe sur :

« Quel est le meilleur joueur au monde ? Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Zinedine Zidane »

« À combien de mètres un molard peut aller ? »

« Quel âge a le plus vieux chat du monde ? »

Et la plus belle : « Quelle était la plus grande portée d’une femme ? 9, 17 ou 21 enfants ?»

Et les cartes défis telles que « Retenir sa respiration pendant 5 secondes !!! » ou plus sérieusement, « Donner trois mots anglais et trois espagnols. », « Réciter l’alphabet à l’envers sans se tromper », «

Cela me vaudra certains fous rires.

Les règles du jeu 

La prouesse de Mikael nous permet d’aboutir à des règles concrètes. Il y aura deux collèges dans notre jeu. Les joueurs forment deux équipes et chacune doit cumuler des innovations pour obtenir un maximum d’élèves.

Pour obtenir ces innovations, il y a différents moyens : on peut les acheter ou répondre  à des cartes questions et réaliser des défis.

Mais attention, à tout moment, la pioche peut faire surgir un événement négatif comme une inondation dans le collège, la panne de chauffage ou l’heure de colle qui font perdre des pièces ! Si le hasard fait bien les choses, vous piochez un événement positif et remportez des pièces, des innovations ou dans le meilleur des cas des élèves.

Enfin il y a les personnages qui vous accompagnent tout au long de la partie. Certains pénalisent l’adversaire et d’autres vous soutiennent dans votre projet d’amélioration de collège. Au bout de 10 tours, la partie est terminée !


Récapitulatif des règles 

Révéler les talents 

Dans le lot, il y en a pour tous les goûts : l’élève introverti, le rêveur, le blagueur, le « je sais tout »… J’assiste ainsi à une dynamique de groupe intéressante et tente de faire participer chaque élève afin de valoriser au mieux les aptitudes de chacun. Je rencontre alors Miguel, dessinateur désigné par le groupe pour illustrer les cartes personnages. Il y a par exemple le professeur baba cool qui a le pouvoir de supprimer les heures de colle. Monsieur Lazarro part malheureusement en retraite et fait perdre trois élèves à son collège. Le principale Godan quant-à-lui fait gagner deux élèves. Les aides ménagères font gagner deux pièces tous les trois tours.


Parmi les élèves, il y a aussi le solitaire hyperactif qui ne sort même pas pendant le temps de récré. Fervent utilisateur des tablettes et du logiciel sketchup, il est fasciné par les machines numériques comme la fraiseuse numérique de la salle de techno. Un peu marginalisé, il n’aime pas trop la coopération avec les autres. Mais pourquoi ne pas faire des tests de fabrication du plateau de jeu en collaboration avec l’enseignante de technologie ?


Bien sûr, je me sens un peu frustré de ne pas avoir assez de temps pour investir tout le monde de la même façon.

À quand le jeu dans les bacs ? 

Créer les cartes, ce n’est pas si difficile. Il reste encore quelques contenus à peaufiner. En revanche, nous utiliserons les machines à bord du Propulseur pour finaliser la conception du plateau de jeu et des pions. Avant cela, un collègue fera relai entre nous et les élèves pour trouver de nouvelles idées pour le jeu. Il reste encore à trouver un nom. N’hésitez pas à soumettre aussi vos idées !
Mikael travaille déjà à l’équilibrage du jeu qui consiste à donner le bon nombre de points à chaque innovation pour éviter les incohérences et potentiels blocages lors de la partie.

Tout ceci se finalisera le 30 mars sur la place du village avec une invitation aux autres membres du collège pour tester le jeu le soir même.